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Tour d’horizon des différentes garanties applicables en matière de construction

admin_yoo

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28.04.2023 publications Droit immobilier

En matière de construction, différentes garanties spécifiques trouvent à s’appliquer, qu’il s’agisse de garanties légales (la garantie décennale et la garantie biennale) ou de nature contractuelle (la garantie de parfait achèvement).

Le régime de responsabilité applicable diffère selon que l’on se situe avant ou après la réception des travaux.

La réception est l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserve.

Antérieurement à la réception, la responsabilité du constructeur peut être recherchée sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun.

Postérieurement à la réception, le maitre de l’ouvrage ou ses ayants droits peuvent actionner trois garanties différentes : la garantie de parfait achèvement (1), qui est un prolongement de la responsabilité contractuelle, la responsabilité décennale (2) ou la responsabilité biennale (3) qui sont des garanties légales.

Ces différents régimes de responsabilité ont des domaines et des conditions d’application spécifiques qu’il convient d’identifier afin de pouvoir faire valoir ses droits utilement.

1. La garantie de parfait achèvement

La garantie de parfait achèvement peut être regardée comme un prolongement de la responsabilité contractuelle du constructeur.

Elle s’applique à tous les désordres affectant l’ouvrage, signalés au moment de la réception.

Elle bénéficie au maître de l’ouvrage, c’est-à-dire la personne pour le compte de laquelle les travaux sont réalisés, et à ses ayants droits successifs.

Elle n’est due que par l’entrepreneur ayant réalisé ou concouru à la réalisation de l’ouvrage.

Ne sont donc pas tenus de la garantie de parfait achèvement l’architecte, le bureau d’études ou encore le vendeur d’un immeuble à construire.

Sont toutefois assimilés à l’entrepreneur le constructeur de maison individuelle au sens des articles L.231-1 du Code de la construction et de l’habitation et le promoteur immobilier s’il exécute lui-même une partie du programme.

La garantie de parfait achèvement couvre :

*Les désordres apparents au moment de la réception ayant fait l’objet de réserves ou ceux apparus dans l’année suivant la réception ;

*Les défauts de conformité ;

*Les défauts d’isolation phonique, en application de l’article L.111-11 du Code de la construction est de l’habitation.

*La garantie de parfait achèvement ne couvre donc pas les désordres apparents, qui n’ont pas fait l’objet de réserves lors de la réception.

*Le délai de la garantie de parfait achèvement est d’un an. Il commence à courir à compter de la réception des travaux.

Cette garantie permet ainsi au maître de l’ouvrage de demander à l’entrepreneur de réparer les désordres réservés à réception, en lui fixant un délai d’exécution pour la réalisation de ces travaux réparatoires.

S’agissant des désordres non réservés à la réception, mais apparus dans l’année suivant celle-ci, le maître d’ouvrage doit en informer l’entrepreneur avant l’expiration du délai d’un an, par écrit, de préférence par lettre recommandée avec accusé de réception pour pouvoir prouver la date de signalement du désordre.

2. La garantie décennale

La garantie décennale est une garantie légale par excellence en matière de construction.

Elle couvre les dommages survenus après la réception, pendant un délai de 10 ans.

Le constructeur d’un ouvrage est ainsi responsable :

*des désordres affectant la solidité de l’ouvrage, ou

*des désordres qui, affectant l’ouvrage  dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination.

L’ouvrage peut désigner un bâtiment, mais pas uniquement.

Ont par exemple été qualifiés d’ouvrages par la jurisprudence, un mur de soutènement, une dalle de béton, une véranda édifiée sur un balcon constituée de parties fixes et de parties mobiles, une terrasse constituant une extension, ou encore des panneaux photovoltaïques qui comptent parmi la réalisation de l’ouvrage de couverture, assurant une fonction de clos, de couvert et d’étanchéité du bâtiment.

Les éléments constitutifs de l’ouvrage sont les ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos ou de couvert.

Sont ainsi, par exemple, considérés comme des désordres de nature décennale des fissures importantes dans le gros œuvre, un affaissement affectant le dallage d’un bâtiment, ou encore des fissures infiltrantes apparues dans les murs pignons qui portent atteinte à la destination du bâtiment.

Les désordres sont de nature décennale lorsqu’ils affectent un élément d’équipement, c’est-à-dire un élément qui ne soit pas un ouvrage de viabilité, de fonction, d’ossature, de clos ou de couvert, à condition :

*soit de rendre l’ouvrage, en son entier, impropre à sa destination.

La jurisprudence qualifie ainsi de désordre de nature décennale une résidence hôtelière du fait de la dégradation des tablettes supportant les vasques dans les salles de bains, d’un immeuble du fait des vices affectant des joints de menuiseries des fenêtres, d’une piscine affectée d’un défaut d’étanchéité du liner recouvrant le bassin.

*soit de compromettre la solidité de cet élément d’équipement. Ne sont ici concernés que les désordres affectant les éléments d’équipement faisant indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos ou de couvert.

Pour que cette qualification soit retenue, il faut que la dépose ou le démontage de cet élément d’équipement ne puisse s’effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage.

Sont par exemple considérés comme des éléments indissociables des carrelages ou revêtements de sol, une chaudière, des éléments mobilier s’incorporant aux locaux, ou encore les gaines d’ascenseur et cages d’escaliers formant un tout indivisible avec les éléments de gros œuvre et les structures des appartements.

En principe, les désordres esthétiques ne relèvent pas de la garantie décennale, sauf si ceux-ci sont révélateurs d’un vice plus grave de nature à compromettre la solidité de l’ouvrage ou à porter atteinte à sa destination.

La garantie décennale bénéficie au maitre de l’ouvrage ou à l’acquéreur de celui-ci, ainsi qu’à leurs ayants droits successifs, dans le délai de 10 ans suivant la réalisation de l’ouvrage.

La garantie décennale est due par tout constructeur d’un ouvrage, architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage, mais également par toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu’elle a construit ou fait construire, ainsi que par toute personne qui agit en tant que mandataire du propriétaire d’un ouvrage accomplissant une mission assimilable à celle d’un locateur d’ouvrage.

Le sous-traitant du constructeur n’est pas responsable au titre de la garantie décennale. Seule peut être engagée sa responsabilité contractuelle dans le cadre du contrat le liant avec le constructeur principal, ou délictuelle s’agissant d’une action engagée par le maitre d’ouvrage. Se faisant, le délai de prescription d’une action contre le sous-traitant est de 5 ans à compter du jour où sa faute est connue.

Ne sont concernés par la garantie décennale que les désordres qui n’étaient pas apparents à la réception de l’ouvrage ou qui n’ont pas été réservés.

Si un désordre a été réservé au moment de la réception, il relève de la garantie de parfait achèvement, même s’il est de nature à compromettre la solidité de l’ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination.

L’action en responsabilité décennale doit être engagée dans un délai de dix ans suivant la réception des travaux.

A l’expiration de ce délai, un dommage susceptible de relever de la garantie décennale qui n’a pas été dénoncé dans les temps échappe à toute mise en jeu de la responsabilité du constructeur ou du vendeur.

3. La garantie biennale de bon fonctionnement

La garantie biennale, aussi appelée garantie de bon fonctionnement, est une garantie légale s’appliquant à tous les éléments d’équipement dissociables de l’ouvrage, c’est-à-dire qui peuvent être déposés ou démontés sans détérioration ou enlèvement de la matière de cet ouvrage.

Le domaine d’application de la garantie biennale est donc souvent apprécié à défaut d’application de la garantie décennale.

Pour que la garantie biennale trouve à s’appliquer, il faut qu’un élément dissociable de l’ouvrage soit atteint et que son bon fonctionnement soit compromis, ou qu’il s’agisse d’un équipement indissociable de l’ouvrage mais ne relevant pas de la garantie décennale, c’est-à-dire un désordre qui ne soit pas de nature à rendre l’ouvrage impropre à son usage ou à sa destination ou en compromette la solidité.

Sont ainsi considérés comme des éléments d’équipement un interphone, une chaudière dissociable, un système de sonorisation, un faux plafond, une moquette, des carrelages simplement collés, ou encore un revêtement de peinture.

A l’image de la garantie décennale, le désordre ne doit pas avoir été apparent ni réservé à la réception, car la réception purge les vices apparents.

Toutefois, est considéré comme un désordre caché le désordre apparent à la réception et non réservé, lorsque le maître de l’ouvrage ne peut en apprécier immédiatement le degré de gravité et que l’étendue, la cause et les conséquences du dommage n’ont été connus que plus tard.

La garantie biennale pèse sur tout constructeur d’un ouvrage ou personne assimilée, c’est-à-dire tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage, mais également par toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu’elle a construit ou fait construire, ainsi que par toute personne qui agit en tant que mandataire du propriétaire d’un ouvrage accomplissant une mission assimilable à celle d’un locateur d’ouvrage.

L’action doit être engagée dans un délai de 2 ans suivant la réception des travaux.

A l’image de la garantie décennale, à l’expiration de ce délai de 2 ans, un dommage susceptible de relever de la garantie biennale qui n’a pas été dénoncé dans les temps échappe à toute mise en jeu de la responsabilité du constructeur ou du vendeur.

*          *          *

Ces trois garanties sont susceptibles de s’appliquer concomitamment sur un même ouvrage affecté de divers désordres de nature différente.

L’articulation des diverses garanties légales ou contractuelles, entre elles, ou avec le régime légal classique de responsabilité contractuelle ou délictuelle, est parfois ardue.

Un principe de primauté gouverne l’articulation des régimes de responsabilité.

Ainsi, les dommages qui relèvent d’une garantie légale (décennale ou biennale) ne peuvent donner lieu, contre les personnes tenues à cette garantie, à une action en réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun.

Les garanties légales sont donc d’application exclusive en principe bien que certaines exceptions existent.

Le droit de la construction est un droit technique, où de nombreuses actions et garanties sont susceptibles d’être mobilisées.

Les délais de forclusions et de prescription des actions possibles sont multiples.

A cela s’ajoute naturellement toutes les questions inhérentes au droit des assurances, telle que l’interprétation des polices d’assurance, ainsi que les refus de garantie.

Afin de préserver au mieux ses droits dans ce cadre complexe, le recours à un avocat en droit de la construction et des assurances est conseillé en cas de désordres constructifs.

Le Cabinet LEXIA se propose d’accompagner ses clients, particuliers ou constructeurs pour :

*déterminer les actions à mener ;

*apporter son assistance dans le cadre pourparlers amiables ;

*apporter son assistance dans le cadre des expertises amiables ou judiciaires ;

*conduire une action judiciaire en indemnisation ou apporter son assistance contre une telle action.

Mathilde POLSINELLI, avocat.

Benjamin LAJUNCOMME, avocat associé.

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